Au cours des années 1960, la ville de Grenoble allait connaître I'un des bouleversements les plus profonds de son histoire, accéléré par l’urbanisation des Jeux Olympiques de 1968. L’heure était alors au renouveau, à la reconstruction, à la modernité à tout prix. Un îlot se voyait vite déclaré insalubre pour être reconstruit suivant les normes nouvelles, un monument jugé trop encombrant ou trop ancien vite considéré comme gênant pour laisser place à une large voirie ou un équipement collectif.

Certes, à cette époque des Trente Glorieuses, les besoins étaient grands, et les moyens à la mesure des enjeux de l'époque. Mais l’action des bulldozers allait parfois trop vite et trop loin. C'est ainsi que certains Grenoblois se sont mobilisés, et la destruction inopinée d'une partie du rempart gallo-romain, qui touchait à leurs racines les plus profondes, allait conduire en 1965 à la création du Comité de Sauvegarde du Vieux Grenoble.

Il s’agissait alors de sauvegarder les traces du passé, ce passé qui se lisait dans les rues, sur les façades, sur les pierres, mais aussi dans le sol. L’action de l’association allait être déterminante par ses interventions sur le terrain, par ses apports constructifs pour convaincre de la nécessité de conserver ce qui faisait la spécificité de la ville. Elle déploya de même toute une activité pédagogique pour faire connaître aux Grenoblois et aux hôtes de passage les lieux où s'inscrivait l'histoire de la cité.

Trente ans plus tard, si les missions premières avaient été largement remplies, les points de vue sur le patrimoine avaient évolué. En s’appelant désormais Patrimoine et développement, l'association a su prendre le tournant et définir les nouvelles orientations : réhabiliter sans figer dans un usage dépassé, faire participer les habitants aux projets, mais surtout considérer le patrimoine comme l'un des acteurs essentiels de l’activité économique. Bref, le faire vivre.

Aujourd'hui, ironie de l'histoire, ce sont les constructions contemporaines des débuts de son existence que l’association s’engage à défendre, à mettre en valeur, à conserver tout en les actualisant, pour les faire entrer à leur tour dans la longue frise de l'histoire grenobloise.

Souhaitons-lui encore de nombreux et beaux jours devant elle, dans cette forte perspective de regarder le passé avec les yeux de l’avenir ou encore de regarder l’avenir sans oublier le passé.

Martine Jullian
Conseillère municipale déléguée
au Patrimoine historique et à la mémoire
de la Ville de Grenoble
Mars 2015