Histoire et actualités de la rue Renauldon, dans le centre ancien historique de Grenoble
(courtoisie et extrait du bulletin de l'Union de Quartier Notre Dame d'Avril 2019) 

La rue Renauldon, cette rue commerçante qui donne sur la place aux herbes, avec ses immeubles délabrés, tous les habitants du quartier la connaissent, même s’ils ont du mal à retenir son nom, ou s’ils l’écrivent en oubliant le L. Mais sait-on qu’elle a joué un rôle majeur dans l’histoire du centre-ville ?

D’abord par son nom, très évocateur de ses activités. En 1338 on la nommait rue Venderie (des vendeurs) qui s’est transformée en Revenderie (des marchands) puis Revenderesse,  rue du Millieu, partant du pont de la Revendery,   un moment rue Mercière et enfin rue Marchande en 1592. C’était une rue très commerçante où résidaient orfèvres, marchands drapiers, marchands de soierie et autres marchands parmi lesquels certains furent anoblis. Elle était un lieu de passage des marchandises débarquées du port de la Madeleine sur l’Isère. Le négoce y était très actif.
A cette rue fut attaché le souvenir de Marie Vignon, petite paysanne de Theys, épousée par un marchand de soyes, Emmanuel Matel. Femme belle, de bonne grâce et d’un grand esprit, la légende veut que lors de son entrée à Grenoble en décembre 1590, Lesdiguières ait été ému par cette frêle jeune femme fendant la foule pour lui offrir un rameau de chêne vert. Le marchand de soieries Matel, un beau soir en revenant de la Tronche, fut assassiné.  Trois ans après, haute et puissante dame Marie Vignon, marquise d’alors, devenait l’épouse du seigneur le mareschal des Guières dans le château du baron de Marcieu au Touvet. 

On peut citer aussi l’histoire de 2 religieux, Gabriel  Gastagne et Francesco de Nobilis qui s’adonnaient à la magie, fabriquaient de l’or et de la fausse monnaie, tout en se flattant de parler au démon. Francesco fut condamné à mort en 1604 et pendu en 1606 sur la place du Breuil.

Un autre personnage qui a habité la rue a beaucoup fait parler de lui. Antoine Desprès, chimiste et bijoutier, taillait des cristaux de quartz pour en faire des brillants de toutes les couleurs. Il a surtout réussi à faire brûler des cristaux liquéfiés en contact de l’eau avec forte production de fumée, ce qui a beaucoup impressionné Louis XV. Le roi lui a imposé de garder cette découverte secrète. Il a vécu chichement, distribuant tout son bien aux pauvres, se nourrissant de soupe et dormant sur un lit de sarments dans son magasin.

Longue de 60m et large de 7,50m, la rue abritait 292 habitants en 1866, chiffre qui a décru à 205 en 1946 puis est remonté autour de 220. En 1962, on y trouvait encore une quantité impressionnante de commerces : fabrique de galoches, 2 boucheries, 2 merceries, une marchande de layette, une plomberie, une épicerie, une boulangerie, une laiterie, 2 bazars, 3 cafés, une corsetterie.

Mais revenons à l’identification de la rue qui prit son nom actuel en 1866, par décision de Napoléon III, en souvenir de Charles Renauldon, avocat au parlement,  qui fut maire de Grenoble entre 1800 et 1815. Durant son long bail, il mit à son actif la réforme de l’administration municipale, la création des soupes populaires, l’installation de la Halle aux grains dans la chapelle des dominicains, la plantation des arbres de l’esplanade. Il encouragea résolument les premières sociétés de
secours mutuel. Il fut promu baron d’empire par Napoléon1er.

Stendhal l’a décrit comme « un personnage vaniteux, fait exprès pour être bon maire d’une grande ville de province ». C’était en fait un homme de cœur, qui s’était acquis une véritable popularité. Quand il mourut, en 1824, trois mille ouvriers se disputèrent l’honneur de porter sur leurs épaules son cercueil jusqu’au cimetière. Son fils, prénommé Charles lui aussi, a été un des meneurs d’une émeute en 1821 au cours de laquelle il a été blessé d’un coup de sabre.

Sur le plan architectural, comme dans le reste de la ville ancienne, la rue a conservé le découpage en parcelles longues et étroites, perpendiculaires à la voirie. On y trouve des éléments très anciens, notamment des escaliers à vis logés dans des tourelles en saillie, des escaliers en bois, et divers vestiges du XIII et XIV ° siècle, particulièrement  au n° 5 de la rue.

Où en sommes-nous du devenir des derniers immeubles dégradés du quartier qui défigurent la rue depuis des décennies ? Un arrêté d’insalubrité a été émis il y a  quelques années dans le cadre d’une Opération de Restauration Immobilière. Celui-ci a été contesté par un occupant qui finalement va acheter l’immeuble du 2 pour construire 6 logements. Les 2 autres ayant façade sur rue (4 et 4 bis), appartenant à la ville, seront vendus à un opérateur après décision de déclaration d’utilité publique (DUP),à partir d’un dossier déposé par la Métro en préfecture, pour refaire les façades et  aménager 9 logements à loyers modérés et un local commercial au rez-de-chaussée.
L’immeuble du 6, non visible depuis la rue, sera démoli.
Début des travaux au mieux mi-2019.
A noter que des protections contre les risques de chute d’enduits de façade ont été installées à la suite d’une intervention de notre part.

Gérard Hudault, avec la participationde Philippe Boué et Jean-Claude Bay de Patrimoine et Développement.
(publication en accord avec l'UQND)